Carrefour teste dans 30 hypers une réorganisation des équipes baptisée Top. Fini la polyvalence, place à la spécialisation en trois escouades : front, data, back. Rami Baitiéh, patron France, espère ainsi réduire les irritants pour les clients. Les syndicats dénoncent un manque de concertation préalable. Une info Linéaires.

Nommé directeur exécutif France de Carrefour à compter du 1er juillet, Rami Baitiéh n’a pas perdu de temps pour imprimer sa marque. Le plus visible et le plus symbolique : l’affichage à l’entrée de chaque hyper de la photo, du numéro de téléphone et de l’e-mail du directeur (ainsi que des directeurs régionaux).

Mais ce n’était que la partie émergée de l’iceberg. Chantre de l’écoute des clients et des rayons au cordeau avec sa fameuse règle du « 5-5-5 Passion Client », Rami Baitiéh remanie aussi profondément l’organisation des équipes en magasins. Nom de code en interne : projet Top. Lequel succède à EOS, réorganisation lancée en avril 2019 par son prédécesseur Pascal Clouzard.

Traquer « les irritants pour les clients »

Top est une réponse à la feuille de route tracée par le PDG Alexandre Bompard lors de la nomination de Rami Baitiéh mi-juin : «renforcer l’excellence opérationnelle au service des clients et accélérer la transformation des organisations et modes de fonctionnement pour aller vers plus d’efficacité, de simplicité et de proximité dans l’action».

Deux Carrefour franciliens ont étrenné Top : Ormesson (94) depuis le 22 juillet, Collégien (77) depuis le 19 août. A compter de ce lundi 7 septembre, 28 autres hypers ont basculé dans la nouvelle méthode Baitiéh (voir la liste ci-dessous), qui concerne les PGC.

Linéaires a consulté les comptes-rendus syndicaux du dernier CSEC des hypers Carrefour fin août, largement consacré à ce sujet. Concrètement, Top vise à mieux lutter contre les «irritants pour nos clients» selon l’expression de la direction : ruptures, prix affichés en rayon erronés, manque de personnel en rayon, etc.

L’équipe front ne va plus en réserve

Pour ce faire, les salariés sont spécialisés et répartis en trois équipes : front, data, back. A l’équipe front (prise de poste à 5 h) la charge de traquer ces irritants directement sur le carrelage. Ils ont pour tâche l’éclatement des palettes, la mise en rayon, l’ordre et la propreté. La « commande locale » consiste en un relevé des ruptures pour vérifier si la marchandise est disponible. L’équipe front demande alors à l’équipe back de la mettre à sa disposition.

L'objectif de la nouvelle organisation des équipes Top chez Carrefour : supprimer les "irritants" chez les clients, en premier lieu les ruptures. Photo : Linéaires.

Cette escouade back a la responsabilité de la réserve (rangement, scanning, gestion des retours, etc.) et de la mise à disposition des palettes dans les allées. L’objectif est bien que l’équipe front ait les yeux rivés sur les linéaires. Elle ne doit plus entrer en réserve. La nouvelle méthode doit aussi permettre de réduire les stocks et la durée des inventaires.

Enfin, l’équipe data (salariés de niveaux 3) se concentre sur la gestion. Elle met en place les affiches, vérifie l’exactitude des prix sur les étiquettes, les dates de péremption, analyse les causes des ruptures et corrige les paramètres de stockage en conséquence. «Nous constatons que les salariés priorisent le remplissage des rayons, si bien que les tâches de gestion ne sont pas toujours faites, a expliqué la direction aux syndicats. Notre volonté est d’améliorer le back pour améliorer le front.»

« Un retour du travail à la chaîne »

C’est peu de dire que l’accueil des syndicats a été tiède à l’annonce de cette énième réorganisation. FO dénonce l’absence de concertation préalable et une réforme menée dans «la précipitation». Le syndicat, qui réclame une étude sur les risques psychosociaux, estime que «c’est une organisation qui remet au goût du jour le travail à la chaîne» et craint une augmentation des TMS. FO pointe aussi le manque de bras pour l’appliquer. Carrefour reconnaît d’ailleurs une forte hausse du taux d’absentéisme ces dernières années.

Côté encadrement, la CFE-CGC Carrefour pointe aussi l’absence de concertation et souligne un virage à 180° degrés. «En 2019, le projet EOS a été mis en place en mettant en exergue la polyvalence. (…) Aujourd’hui, en s’appuyant sur la nouvelle politique du 555-Passion Client, le projet Top prend le chemin inverse en sectorisant les tâches des collaborateurs.» «Les équipes se retrouvent une nouvelle fois réorganisées, pour ne pas dire désorganisées, sans que l’on ait pu mesurer l’impact d’EOS sur le moyen terme», poursuit le syndicat.

Si Top fonctionne bien aux PGC, Carrefour compte l’étendre au reste du magasin et à l’ensemble du réseau français, par vagues.

Linéaires