Le géant du e-commerce a déployé très vite à New York son concept de petits magasins alimentaires sans caisse en ouvrant 8 magasins en 7 mois. Mais aucun d’entre eux ne se ressemble vraiment si ce n’est dans l’expérience vraiment bluffante d'y faire ses courses ou - et c’est nouveau - d'y boire une boisson sans passer par la caisse.
Trois minutes, c’est le temps qu’il faut à un Français moyennement geek (moi en l’occurrence) pour charger et renseigner l’application Amazon Go sur son smartphone, sésame indispensable pour profiter d’une expérience client vraiment bluffante et nouvelle qui consiste à faire ses courses ou boire un café ou des boissons sans avoir à payer physiquement à la sortie. Cette expérience sous l’avons renouvelée 4 fois dans la même journée, dans 4 des 8 Amazon Go que le leader mondial du e-commerce a ouvert à New York au cours des 7 derniers mois. A chaque fois avec la même impression de fluidité et de liberté.
On passe les portiques en ouvrant l’appli et scannant le QR code, on saisit un, deux, voire trois produits. Rarement plus. Et on sort. La facture arrive entre quelques secondes et quelques minutes après sur votre smartphone. C’est le fameux « just walk out shopping » cher à Jeff Bezos, le patron fondateur du site, qui se félicitait, dans sa lettre annuelle aux actionnaires d’avril 2018, des NPS (net promoteur score) fabuleux des premiers clients du concept qui qualifiaient leur expérience de « magique ». "Ce qui rend la magie possible, c'est une combinaison personnalisée de vision par ordinateur, de fusion de capteurs et d'apprentissage en profondeur, qui se réunissent pour créer des achats Just Walk Out.", expliquait le boss.
Apprentissage
En fait, en visitant la moitié des 8 magasins du tout jeune parc new yorkais d’Amazon Go on découvre très vite que derrière l’industrialisation d’un concept qui repose sur des technologies de pointe (caméras, balances, capteurs, IA, etc.) aucun ne se ressemble vraiment, ni par la taille, ni par l’assortiment. « Tous sont super bien situés dans la ville, proches de lieux de flux soit de bureau, soit de tourisme, soit les deux, tous portent les même codes utilisent les mêmes meubles, mais ils ont tous des particularités, preuve qu’Amazon teste plein de configurations différentes, commente Frank Rosenthal, expert en commerce, qui a visité plus de la moitié des 23 unités d’Amazon Go compte dans les 4 villes où le concept est déployé actuellement (Seattle, San Francisco, Chicago et New York).
Le magasin du Rockefeller Center, avec ses 40 m², n’a pas grand-chose à voir avec ceux de Bryant Park, de Park Avenue & 24th ou du Chrysler Building, pourtant ouverts à quelques semaines d’intervalle, qui se déploient sur 80 à 100 m². Plus petit, le premier ne propose pas tout à fait le même assortiment que ses grands frères. Ni même tout à fait le même merchandising. Le premier propose des piles et un tout petit peu de produits d’hygiène, pas le dernier. Le premier ouvre sur la petite confiserie de poche et le chocolat, le dernier plutôt sur le snacking et les salades. Certains proposent les tous nouveaux « meal kits » d’Amazon, ces box qui contiennent les ingrédients pour préparer 2 diners chauds en moins de 30 mn, d’autres pas. Les 3 derniers magasins visités disposent de tables et des chaises pour se restaurer, pas le premier qui est, il est vrai, à côté d’un Starbucks « comme beaucoup de magasins Amazon d’ailleurs qui semble apprécier cette proximité », note encore Frank Rosenthal. Trois sites qui proposent d’ailleurs une offre de boissons chaudes et de boissons fraîches en gobelets en partenariat avec Starbucks et Coca-Cola qui y proposent des machines et des distributeurs à leurs marques.
Bientôt les boissons alcoolisées
Deux des 4 sites visités proposent aussi des Amazon lokers (casiers) et 2 des 4 aussi préparent aussi l’ouverture d’une zone de boissons alcoolisées, fraiches et ambiantes malgré la contrainte supplémentaire de vérifier l’âge des acheteurs ce qui nécessitera selon l’un des responsables de magasin que nous avons interrogé « la présence de personnel pour vérifier les dates de naissance si nécessaire ». Une entorse au fameux « just walk out shopping » cher à Jeff Bezos mais qui répond à un besoin consommateur quasi impérieux. Très compliqué en effet de ne pas vendre de bières, de vins ou d’alcool dans des commerce de proximité ou de convenience !
Autre surprise de ces visites, le nombre de produits en rupture parmi les très grosses références des magasins : salades et sandwichs très souvent, yaourts et sodas assez souvent... Curieux chez un champion de la prévision des ventes et de la supply chain. D’autant que le personnel se révèle assez nombreux, avec au moins 3 à 4 personnes différentes vues en rayon ou à l’entrée dans chacune de nos visites, et prompt à venir remplir les rayons dès qu’une référence vient à manquer.
La MDD d'Amazon de plus en plus présente
Source d’étonnement également, les produits de Whole Foods – l’enseigne de produits bios et organique rachetée par le géant du Web en juin 2017 pour 17 milliards de dollars – qui étaient très présents dans les assortiments des premiers Amazon Go ont quasiment disparu des 1500 à 2000 références proposées chez Amazon Go. Ils ont laissé place à Amazon Kitchen la marque alimentaire développée par la firme de Seattle.
En tout cas, Amazon Go qui était le grand absent du dernier grand show de la NRF à New York, en janvier 2019 - alors qu’on avait espéré jusqu’au dernier moment l’ouverture du premier magasin New Yorkais juste avant les 3 jours de conférence et de salon – pourrait être l’une des très grandes attractions de cette édition 2020 qui démarre dans 3 jours, dimanche 12 janvier. Tous les retail tours organisés à cette occasion vont se ruer sur les 8 magasins sans caisse que le pure player déploie à Manhattan. Ce qui ne devrait pas trop déranger une enseigne qu’on soupçonne de plus en plus de vouloir vendre sa technologie à l’étranger, un peu à la façon d’un Ocado avec ses entrepôts de livraison de produits alimentaires vendus sur la Toile. Voir pendant quelques jours le gratin de la distribution mondiale défiler dans ses magasins et tester sa techno in situ pourrait même être un sacré coup de pub pour Amazon Go dont la rentabilité à court, comme à long terme, est encore très loin d’être avérée. Selon des indiscrétions, la technologie embarquée dans les premiers magasins couterait près d’un million de dollars l’unité pour un chiffre d’affaires moyen par magasin évalué à peine équivalent et cela sans compter les développements colossaux engagés, en amont, pour développer et améliorer ces technologies.
Jérôme Parigi, à New York