Grande distribution : l’heure du repli sur soi

Rédigé le 08/01/2020


Les géants historiques de la grande distribution alimentaire, en panne de croissance dans leur propre pays, cèdent peu à peu leurs activités aux pays émergents.

 

« Mieux vaut une petite maison pleine de vivres qu’une grande maison pleine de vent. » Ce proverbe breton, les géants historiques de la grande distribution alimentaire ont été forcés de l’appliquer. Eux qui s’étaient lancés dans une vague d’expansion internationale entre les années 1980 et le tout début des années 2000, incités par la saturation de leurs marchés domestiques.

Le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii) expliquait ce développement géographique, fin 2012, dans une étude, par « l’ouverture et la croissance des marchés mais aussi l’évolution des modes de consommation, en particulier dans les pays émergents où la grande distribution était encore peu présente il y a dix ans ». A cette époque, l’institut notait que « les enseignes françaises sont particulièrement bien positionnées sur ces marchés émergents. Elles représentent 66 % des ventes de la grande distribution au Brésil, 46 % en Chine et 22 % en Russie ».

Changement de stratégie

Avec, pour les groupes, le double objectif « de rechercher à l’étranger la croissance extensive que la saturation du marché français ne permettait plus et de créer des synergies et des complémentarités au sein d’un même groupe », écrivait le Conseil économique, social et environnemental (CESE) dans un rapport sur « les circuits de distribution des produits alimentaires », en mai 2016.

Terminée la conquête du monde, l’heure est aujourd’hui au repli sur soi. Premier distributeur britannique, Tesco a annoncé, en décembre 2019, réfléchir à la vente de ses activités en Thaïlande et en Malaisie, après s’être retiré de Corée du Sud en 2015 et de Turquie en 2016. Le français Carrefour a, de son côté, cédé récemment la majeure partie de sa filiale en Chine. Après avoir quitté les Pays-Bas en 2009, la Thaïlande, Taïwan et le Vietnam en 2016, Casino vient de vendre ses activités dans l’océan Indien (La Réunion, Mayotte, l’île Maurice et Madagascar), dans le cadre de son processus de désendettement.

La cession des activités italiennes d’Auchan au groupe transalpin coopératif Conad, annoncée en mai 2019 en même temps que son départ du Vietnam, est une parfaite illustration de ce changement de stratégie : présent depuis trente ans en Italie, Auchan a fait 3,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2018, avec près de 1 600 magasins. Mais dans ce pays – qui a traversé une profonde crise de la consommation –, la structure des circuits de distribution est radicalement différente de la France : un marché extrêmement régionalisé dans lequel les entreprises coopératives réussissent mieux que les sociétés intégrées. « Ce qui se fait à Milan ne peut pas se reproduire à Catane, les habitudes alimentaires et culturelles ne sont pas les mêmes. Et à Venise, les clients attendent des produits vénitiens », expliquait-on chez Auchan lors de cette décision. Le groupe ayant pourtant, il y a peu, implanté un tout nouveau concept pilote d’hypermarché à Turin. Avant de conclure : « Ça fait huit ans qu’on perd de l’argent, Il faut se concentrer sur les vrais sujets ».

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