Comment Carrefour cherche à concilier pouvoir d’achat et RSE

Rédigé le 09/07/2022


Outre le vrac, les paniers antigaspi ou les ventes à dates courtes, Carrefour lance deux nouvelles initiatives censées concilier pouvoir d’achat et RSE dont une gamme exclusive de 30 produits déclassés élaborée avec l’enseigne spécialisée Nous Anti-Gaspi. De quoi économiser 10 à 20% sur un panier type assure l’enseigne. Les détails en magasin et en images.

Ce jeudi 7 juillet au matin Carine Kraus, directrice exécutive de l’engagement du groupe Carrefour et Bertrand Swiderski, directeur RSE, se sont livrés à un exercice délicat. Démontrer comment la transition alimentaire peut aider à défendre le pouvoir d’achat des Français, le tout dans l’un des magasins les plus huppés du groupe en France, l’hypermarché de Montesson avec ses 12 000 m² tenus au cordeau et fréquentés par la clientèle plutôt CSP+ de cette banlieue tranquille et bourgeoise de l’ouest parisien. Sans doute la preuve, une fois de plus, que la quête des achats malins n’est pas réservée aux ménages les plus modestes, bien au contraire si l’on en croit l’intérêt suscité notamment dans ce magasin par le coin des bonnes affaires avec ses produits à date courte discountés à 30, voire 50% et surtout la toute dernière initiative du groupe : la vente d’une trentaine de produits déclassés sélectionnés par l’enseigne spécialisée Nous Anti-gaspi qui aurait fait fureur dès son installation.

30 produits Nous Anti-Gaspi dans les 30 hypers d’Ile-de-France

L’ambition des deux dirigeants est en tout cas très claire : prouver que les différentes solutions proposées par l’enseigne dans le cadre de sa stratégie de transition alimentaire - 9 en l’occurrence mises en pratiques dans le magasin de Montesson - « permettent de réduire de 10 à 20% le coût d’un panier type pour une famille de 4 personnes, tout en mangeant sainement et en préservant la planète ». Nous voilà conviés avec les quelques journalistes présents à une visite guidée de ces 9 stations (voir encadré plus bas) dispersées aux 4 coins du magasin. Premier arrêt dès l’entrée principale de l’hypermarché - avant même la zone réservée à la sélection anti-inflation (composée d’une gamme de 30 premiers prix Simpl pour moins de 30 euros) - devant un espace dédié à l’initiative phare lancée ce jour : le partenariat exclusif avec le spécialiste Nous Anti-gaspi. Devant aussi deux chariots de courses placés côte à côte, censés illustrer les gains de pouvoir d’achat dont pourrait profiter une famille de 4 personnes, avisée, recourant à tout ou partie des propositions de l’enseigne pour acheter malin et plus durable. La différence est encore plus spectaculaire que celle annoncée dans l’invitation à la presse : 25% de moins avec le chariot « zéro déchet » (à 102,10 euros) qu’avec celui contenant des produits plus conventionnels (126,40 €), soit plus de 24 euros d’économie et une contribution non négligeable à la réduction du gaspillage alimentaire. « L’alimentation est la 3eme source de pollution dans le monde et contribue à plus de 10% des émissions de gaz à effets de serre », indique Carine Kraus qui rappelle l’objectif de diminution de 50% du gaspillage alimentaire dès 2025 affiché par Carrefour.

Des différences de prix de 20 à 40%, un système vertueux

Une ambition que le partenariat avec l’enseigne spécialisée dans les produits alimentaires déclassés ou de fin de série Nous Anti-gaspi devrait aider à réaliser. Le distributeur qui compte déjà 25 magasins en France a sélectionné avec Carrefour une gamme exclusive de 30 des 120 produits à sa marque pour les proposer dans un premier temps aux 30 hypers d’Ile-de-France de Carrefour et demain, si le test est concluant, à l’ensemble du réseau français avec, si l’appétence est là, plus de produits. Pour le coup, la différence de prix est spectaculaire entre un panier d’une quinzaine de produits Nous Anti-gaspi et leurs équivalents conventionnels : 27,93€ contre 47,03€, pas loin de 45% de moins !

Explication : la startup, filiale de Phénix, qui réalise environ 20 millions d’euros de CA aujourd’hui, vise depuis ses débuts il y a 6 ans à limiter l’énorme gaspillage alimentaire généré en amont lors de la production, du transport et de la mise en marché, ici par les écarts industriels, là par des écarts de tri, en proposant des produits qui ne sont pas tout à a fait aux standards notamment visuels du marché mais parfaitement comestibles, sains et bons. « On estime qu’il y a 10 millions de tonnes de produits alimentaires gaspillés tous les ans, indique Charles Lottmann, co-fondateur de Nous Anti-gaspi, dont 54% sont issus de l’amont, de la production et de la transformation. » Et Bertrand Swiderski de brandir en exemple, un concombre et un poivron, dont le premier avec sa courbure de plus de 20% serait normalement impropre à la vente, tout comme le second, car bicolore quand il doit être présenté monochrome en rayon.

Charles Lottmann lui détaille ces tranches de jambon à la découpe un peu imparfaite, ce camembert qui ne fait pas tout à fait les 240g imposés par le cahier des charges et déclassé « en fromage du pays d’Auge ». Même principe pour un Neuchatel appelé « Cœur » pour une question de grammage, ces tranches de Fourme d’Ambert prélevées sur l’entame du fromage, ces lardons imparfaitement coupés, ces œufs de jeunes poules un peu trop petits, ou ces huiles d’olive provenant de changements de cuves ou encore vendues dans des conditionnements moins en vogue que l’industriel a voulu déstocker. « Le goût et la forme pourront varier, avertit Charles Lottmann, mais c’est le principe de nos produits que de plus en plus d’industriels plébiscitent car ils leur permettent de réduire considérablement le gaspillage dans leurs usines et d’optimiser leurs lignes de fabrication. »

Deux initiatives « subventionnées »

D'autres initiatives proposées dans le magasin, comme les produits à DLC courtes ou à dates dépassés, et le panier de fruits et légumes « zéro gaspi » de Carrefour, composé de produits à consommer sans tarder et proposé à 30% voire parfois 50% de discount répondent aussi à ce principe de ne pas gâcher des aliments encore parfaitement consommables. « Nous avons vendu 1,5 million  de paniers « zéro gaspi » en 1 an, indique Bertrand Swiderski qui se félicite que, depuis, toute la distribution a suivi Carrefour « avec un contenant rigoureusement similaire ». Puis il détaille l’autre initiative originale lancée ce jeudi 7 juillet : l’opération « apporte ton contenant rémunéré » qui consiste à soutenir les clients qui utilisent et amènent leurs propres contenants en magasins, contribuant ainsi à la réduction des emballages, en subventionnant de 10 cts chacun d’entre eux. « Les clients le font beaucoup pour les crevettes, le poulet rôti ou les plats du traiteur, » précise le patron de la RSE de Carrefour.

L’enseigne a aussi décidé de soutenir le recyclage des bouteilles plastiques en installant dans les prochaines semaines des collecteurs dans les parkings de 40 de ses magasins, dont Montesson, et en proposant 2 cts d’euros par bouteilles usagée ainsi collectée sous forme de bons d’achats ou de dons pour des associations. « Ce qui peut représenter un coût de plusieurs dizaines de milliers d’euros pour un magasin comme Montesson mais un ROI rapide néanmoins si le cours des balles de PET recyclé double bientôt comme c’est probable », avance Bertrand Swiderski. Sachant que l’enjeu écologique est aussi majeur puisqu’on estime que seulement 61% des bouteilles plastiques sont recyclées en France.

JÉRÔME PARIGI