"C’est tous les jours avec le salaire qu’on remplit le frigo" : Déclaration FO au Comité de Groupe Carrefour

Rédigé le 29/06/2022

Quel avenir pour les salariés du Groupe ?

Il y a quelques semaines, la direction Carrefour France annonçait aux salariés « un gel des embauches ». Carrefour justifie cette décision brutale et radicale par un environnement économique dégradé. D’un côté, un contexte géopolitique instable du fait de la guerre en Ukraine et de ses conséquences sur les prix de l’énergie, du blé, et autres matières premières ; d’un autre côté, un climat inflationniste, des coûts de distribution en forte augmentation, la grippe aviaire et les ruptures de marchandises induites.

Ayant fait des choix stratégiques qui lui appartiennent, le groupe n’a pour autant pas abandonné sa politique d’économie à outrance, le plan Bompard 2022 doit être appliqué coûte que coûte. L’annonce du prochain plan Bompard, outre le volet du développement numérique, devrait être du même acabit : comment encore et toujours économiser sur les coûts de distribution et principalement ceux liés aux frais de personnel.

Des stagiaires aux directrices et directeurs, les salariés sont épuisés, démotivés et ne trouvent plus de sens à leur travail. Des sièges, en passant par les entrepôts jusqu’aux magasins, toutes et tous tentent encore de faire du commerce, mais la centralisation des décisions prises ne répond qu’à une exigence économique, en détériorant la qualité commerciale de notre enseigne, tant prônée par le 5.5.5 passion client. Seul compte le NPS pendant que les rayons sont vides, mécontentant les clients qui finissent à la concurrence.

Plus grave encore, ce sont les conditions de travail qui se dégradent, la santé physique et mentale est en jeu. Aux arrêts maladie s’ajoutent les accidents de travail, détériorant au passage le taux de gravité (encore un coût pour l’entreprise) et cela sans possibilité de remplacement. 

Donnez aux équipes les moyens de vos ambitions !

Le gel des embauches, amplifié en cette période de congé d’été, entraîne un manque d’heures travaillées dans les magasins. Comment faire plus, avec moins ?  En conséquence les conditions de travail se dégradent continuellement impactant la santé physique et mentale des salariés. Cette situation engendre une augmentation de l’absentéisme et de nombreux départs de salariés entraînant une perte de compétence. Constamment sur le terrain pour tenter de maintenir, autant qu’il leur est possible une prestation à peu près acceptable, l’ensemble des salariés est épuisé. Sans les moyens, ni le temps suffisant pour exécuter les tâches les plus essentielles, comment atteindre l’ambition de Carrefour : « Satisfaire, informer et engager nos clients » ?

Les différentes tentatives de rapprochement ou rachat, que ce soit Couche Tard ou Auchan, les projets de passage en Location Gérance, n’ont pas aidé à instiller un sentiment de sérénité chez les salariés qui en plus de difficultés liées au contexte, doutent pour leur avenir, doutent pour leur emploi, doutent pour leur pouvoir d’achat, doutent pour leur santé. Il est clair qu’aujourd’hui, malgré la mise en place de Workplace (qui ne véhicule que des images positives sur instruction), le sentiment d’appartenance disparaît au fil du temps, il n’est plus que virtuel et n’est visible que sur les photos publiées sur les réseaux, mains tendues vers l’avant sous le signe du 555.

FO ne s’oppose pas aux différents projets d’organisation ou commerciaux, ni à la création de nouveaux outils numériques. Ce serait aller contre le cours du temps et provoquerait un décalage qui serait préjudiciable aux résultats économiques. Pour autant, la direction semble mépriser les salariés et leur impose leurs nouveaux concepts sans concertation aucune, sans respecter les CSE et CSE Centraux, s’exonérant même d’informer des CSSCT et de modifier les DUER en conséquence. Pour FO, ces passages en force ne sont pas acceptables, la bonne santé d’une entreprise passe également par la qualité de son dialogue social. Pourquoi ne pas avoir invité les membres des CSE Centraux et du Comité de Groupe au Salon qui s’est tenu au Bourget il y a 2 semaines ? Pourquoi n’inviter que les salariés des sièges et pas ceux des magasins et des entrepôts ? Cela aurait pu pallier en partie ce manque de transparence. Il est dommage et dommageable d’apprendre la mise en place de nouveaux matériels via le site de Olivier Dauvers, tel que le rayon fruits et légumes numérique en test au Market de Croissy sur Seine.

Les résultats de l’entreprise montrent une amélioration du ROC, résultats obtenus grâce, en partie, à la diminution des coûts de distribution et d’une augmentation de la productivité qui a fortement dégradé les conditions de travail. Sans l’engagement sans faille des équipes, rien ne serait possible, ce qui interroge sur une meilleure répartition des richesses.

Pour FO, la hausse des salaires est une urgence absolue. La consommation des ménages (moteur de la croissance) a baissé en mars et en avril (respectivement de 1,4 % puis de 0,4 %), indique l’Insee. Le recul du pouvoir d’achat serait de 0,8% en moyenne sur l’année 2022, soit du jamais vu depuis 2013, indique de son côté l’Observatoire Français des Conjonctures Économiques. En mai, l’Insee évaluait le recul à 1,5 % au premier trimestre et à 0,5 % au moins au deuxième trimestre. Face à cette question du pouvoir d’achat, les différentes rustines se multiplient : bouclier tarifaire, indemnité inflation, ristourne sur les carburants viennent s’ajouter aux diverses primes d’activité ou de pouvoir d’achat... Le gouvernement promet une nouvelle aide à la rentrée : nouvelle indemnité inflation ou chèque alimentaire, peu importe la forme. Certes, c’est toujours bon à prendre et quand ça tombe, ça permet souvent de respirer un peu. Mais attention au retour de bâton, cela reste ponctuel et ce n’est pas du salaire.

C’est tous les jours avec le salaire qu’on remplit le frigo !

Face à cette situation, FO souhaite une réponse de l’entreprise qui soit pérenne et durable. Force Ouvrière a été la première organisation syndicale à revendiquer et obtenir la clause dite « de revoyure », face à une inflation non maîtrisée, sur fond de sortie de crise Covid et de guerre en Ukraine, elle a pu être ainsi activée. Rendez-vous est pris en septembre, une fois de plus FO sera au cœur du combat pour les salaires. Nous n’accepterons aucun resserrement des différentes grilles de salaires, les écarts doivent être maintenus et les niveaux de qualifications respectés.