Après une baisse de salaires en 2020, les PDG entendent se rattraper cette année

Rédigé le 15/11/2021


Les dirigeants des 120 plus grandes entreprises françaises cotées en Bourse ont gagné en moyenne 3,2 millions d’euros l’an dernier. Un chiffre en baisse de 14 % à cause de la crise liée au Covid-19.

Comment aurait-il pu en être autrement ? Le patron le plus mal payé parmi les 120 premières entreprises cotées françaises est… une femme. Stéphane Pallez, PDG de la Française des jeux (FDJ), a décroché cette palme avec 380 000 euros dus au titre de l’année 2020, selon le rapport sur les rémunérations des dirigeants de l’indice SBF 120 publié mercredi 10 novembre par la société de conseil Proxinvest.

Comme tous les patrons d’entreprise publique, Mme Pallez est tenue par la limite de 450 000 euros fixée par l’Etat. En outre, au début de la pandémie, elle a consenti un don correspondant à un mois de son salaire fixe au nom de la « solidarité ». Elle n’est pas la seule. Pendant une année 2020 marquée par la crise sanitaire, le chômage partiel, et les aides d’Etat, 58 % des entreprises, selon Proxinvest, ont ainsi réduit les rémunérations de leurs mandataires sociaux, volontairement ou parce que les objectifs qui conditionnent les bonus n’ont pas été atteints ; 6 % des groupes ont aussi différé des hausses de salaires prévues.

Conséquence, la rémunération totale moyenne des patrons du SBF 120 au titre de 2020, à savoir salaire fixe, part variable, actions de performance et autres avantages en nature, marque une baisse historique de 14 %, pour atteindre 3,2 millions d’euros : même pendant la crise financière de 2008, un tel ajustement n’avait pas eu lieu.

« On revient à des niveaux observés en 2014-2015 », constate Loïc Dessaint, directeur général de Proxinvest. Pour les multinationales du CAC 40, la diminution moyenne est un peu moins marquée : le PDG, directeur général ou gérant d’une entreprise de l’indice phare de la Bourse de Paris aura obtenu en moyenne une rémunération totale de 4,6 millions d’euros, en recul de 11 %.
Plus spectaculaire, les bonus annuels des patrons du SBF 120 ont plongé de 27 %. « On n’avait jamais vu une baisse d’une telle ampleur d’une année sur l’autre », souligne M. Dessaint. Quinze parmi les 120 n’ont bénéficié d’aucun bonus en 2020. Certains volontairement, à l’image de François-Henri Pinault (Kering) et de Benjamin Smith (Air France-KLM) qui avaient annoncé dès le début de l’épidémie qu’ils renonçaient à toute rémunération variable.

La chute des bonus aurait été encore plus élevée si les entreprises avaient appliqué les critères de calcul qu’elles avaient définis avant la pandémie », poursuit le directeur général de l’agence de vote. Beaucoup de sociétés, en effet, ont demandé à leurs actionnaires de revoir en cours de route leur politique de rémunération afin de pouvoir quand même récompenser leurs équipes dirigeantes, notamment quand la contre-performance de 2020 empêchait la réussite de plans triennaux. « Ce qui nous a le plus choqués, c’est quand Accor et Pierre & Vacances ont modifié les règles du jeu sans même demander à l’assemblée générale. »
Tous les grands patrons ne se sont pas serré la ceinture
Mais tous les grands patrons ne se sont pas serré la ceinture. Alexandre Bompard, le PDG de Carrefour, s’est vu allouer au titre de 2020 la rémunération variable la plus élevée du SBF 120, soit une enveloppe de 2,5 millions d’euros. Daniel Julien, le PDG de Teleperformance, s’est vu attribuer la plus forte augmentation, avec un « package » de 17 millions d’euros, soit près de 4 millions de plus qu’en 2019.
Le patron du géant des centres d’appel n’est, toutefois, pas le mieux payé : en 2020, comme l’année précédente, c’est Bernard Charlès, le directeur général de Dassault Systèmes, qui monte sur la première marche du podium, avec une rémunération de 20,6 millions d’euros, 4 millions de moins qu’en 2019 : le dirigeant bénéficie, selon le rapport annuel, d’une « démarche d’association progressive au capital visant, à terme, à lui donner une participation au capital en ligne avec celle de ses pairs dans les sociétés de technologie dans le monde ». A noter que si Dassault Systèmes et Teleperformance ont réalisé de très beaux parcours boursiers depuis le mini-krach de mars 2020, ce fut le cas aussi de la FDJ…

Pour la suite, le suspens n’est guère de mise : la chute des rémunérations entrevue en 2020 ne va pas durer. « Il va y avoir une forme de rattrapage », prévient M. Dessaint. En particulier, même si les « packages » élevés sont de plus en plus contestés en assemblée générale, beaucoup d’entreprises comme Vivendi ou Essilor Luxottica ont d’ores et déjà fait voter lors des assemblées générales 2021 des hausses des salaires fixes pour leurs dirigeants.

Isabelle Chaperon