Livraison express: Cajoo s'allie à Carrefour et lève 40 millions de dollars pour doubler ses rivaux

Rédigé le 05/09/2021


Cajoo vient de boucler une levée de fonds de 40 millions de dollars, auprès entre autre de Carrefour. La start-up tricolore du quick commerce a conclu un partenariat industriel avec le distributeur, grâce auquel elle veut devenir rentable plus vite que ses nombreux concurrents. Elle compte doubler le nombre de ses dark stores parisien d'ici fin 2021 et déployer son offre en Europe à l'horizon 2022.

La très jeune pousse française de la livraison express, Cajoo, annonce ce 2 septembre une levée de fonds de 40 millions de dollars auprès de Carrefour, mais aussi des fonds d'investissement français Frst, XAnge et Headline. Présente dans 10 villes hexagonales avec 100 000 utilisateurs à date, elle avait déjà engrangé 6 millions d'euros il y a sept mois. Les quatre entreprises entrées au capital de la start-up depuis sa création en février 2021 restent minoritaires. Cajoo annonce également un partenariat industriel, notamment sur l'approvisionnement, avec le distributeur tricolore. Cet avantage concurrentiel important pourrait lui permettre de doubler ses nombreux compétiteurs - comme Gorillas ou Getir - qui lèvent actuellement des dizaines de millions d'euros pour s'implanter sur le marché français du quick commerce. "Aujourd'hui, huit entreprises ont lancé leur offre à Paris. Or il n'y a de la place que pour trois ou quatre", glisse Henri Capoul, co-fondateur et dirigeant de Cajoo. "Carrefour nous a fait confiance : cela scelle le fait que nous sommes un acteur fiable, qui va s'établir à long terme sur ce marché", affirme-il.

Avec ce nouveau financement, la société compte se lancer dans plusieurs pays d'Europe à l'horizon 2022. "Nous regardons de près le marché belge, mais aussi l'Italie, l'Espagne…", liste le dirigeant. Elle veut également muscler son offre de livraison de produits en 15 minutes à Paris, en doublant d'ici fin 2021 le nombre de ses dark stores (de petits entrepôts logistiques situés en centre-ville) dans la capitale. Il devrait passer d'une dizaine à une vingtaine.

Rallonger le délai de livraison ?

Elle compte aussi redéfinir sa proposition de valeur dans les neuf villes de province où elle est actuellement présente : "nous essayons de comprendre grâce à une série de tests s'il est vraiment pertinent de livrer en 15 minutes dans ces territoires, ou si une livraison en 20 ou 30 minutes pourrait être adaptée", indique Henri Capoul. Cela permettrait à l'entreprise d'engranger plus de commandes dans ces métropoles moins denses que la région parisienne et donc d'espérer y devenir profitable plus rapidement. "Notre modèle de livraison en 15 minutes peut devenir bénéficiaire dans des villes où plus de 100 000 habitants vivent dans un rayon de 15 minutes à vélo autour de nos entrepôts. Mais Paris est nettement plus concentré : entre 200 000 et 250 000 personnes pour certaines zones. Il est plus aisé d'y atteindre le seuil de rentabilité", note le patron.

Cajoo reste une entreprise indépendante de Carrefour, qui ne lui fournira pas directement de clients. Son offre de livraison ne sera pas proposée sur le site e-commerce du distributeur. Mais cette alliance est fondamentale pour la start-up, car elle devrait lui permettre de devenir lucrative plus vite que ses rivales. Dans le secteur, pour atteindre le graal de la profitabilité, il fait adresser trois enjeux : "augmenter les marges entre l'achat et la revente des produits, faire décoller le panier moyen des clients et engranger suffisamment de commandes pour que chaque livreur réalise deux à trois courses par heure minimum", liste l'entrepreneur de 28 ans. Cette alliance permet à Cajoo de se renforcer sur ces trois points clefs.

Booster ses marges

La start-up pourra premièrement se fournir auprès de la centrale d'achat de Carrefour, qui négocie de gros volumes à des tarifs très compétitifs dont la jeune pousse pourra bénéficier. Cajoo ne prévoit pas de baisser ses prix pour le client final, ou seulement à la marge. "L'étiquette est un enjeux important dans la distribution bien sûr, nous devons être alignés sur les tarifs des magasins de proximité. Mais c'est déjà le cas aujourd'hui. Nous ne voulons pas devenir un acteur low-cost", souligne le dirigeant. "Nous allons donc gagner énormément en termes de marge grâce à la centrale d'achat de Carrefour", confie Henri Capoul, dont la société continuera à se fournir directement auprès de producteurs sur certains articles locaux.

En deuxième lieu, Carrefour met à la disposition de la start-up certaines données sur ce que consomment le plus ses clients dans différentes zones géographiques. Cajoo peut ainsi être plus pertinent sur son assortiment de produits et potentiellement faire décoller le panier moyen de ses acheteurs. Le retailer conseille également Cajoo sur l'aménagement de ses dark stores. "Nous allons diminuer l'espacement entre nos rayons, ce qui va nous permettre de stocker plus de références dans chaque entrepôt." A date, Cajoo propose entre 2000 et 2500 articles aux consommateurs, en fonction de la taille de ses dark stores qui mesurent en moyenne une centaine de mètres carrés.

De précieuses données client

Le distributeur et la jeune pousse travaillent enfin sur un partenariat logistique. Carrefour pourrait, sur un modèle BtoB, faire livrer certaines commandes par des coursiers Cajoo moyennant finance. "Rien n'a été décidé à date, les discussions sont encore en cours. Mais si ce projet se concrétise, il nous permettrait de renforcer les volumes pris en charge par nos livreurs", indique le CEO. Grâce à ce triple avantage concurrentiel, Cajoo espère que ses entrepôts seront rentables six à douze mois après leur ouverture.

Cet investissement permet de son côté à Carrefour de mettre un pied dans le secteur de la livraison express, qui se structure à très grande vitesse, sans avoir à développer en interne une offre dont la rentabilité future est loin d'être assurée et dans des délais trop courts pour un groupe de cette envergure. "Se lancer dans le quick commerce demande en plus un important savoir-faire technologique et beaucoup d'agilité : nous mettons notre application client à jour deux à trois fois par semaine. Notre logiciel de pilotage des approvisionnements et notre solution de gestion des trajets de livraisons sont elles aussi mises à jour de façon hebdomadaire", explique Henri Capoul, dont l'entreprise a entièrement développé en interne son arsenal technologique.  

“L’investissement de Carrefour dans Cajoo est une nouvelle étape dans la feuille de route digitale du Groupe. Le quick-commerce est une tendance de fond, née pendant le confinement, et désormais de plus en plus ancrée dans les habitudes des consommateurs, sur toutes nos géographies. En tant que leader sur la livraison de courses à domicile en France, Carrefour s’associe à cette nouvelle tendance et explore avec Cajoo toutes les pistes stratégiques pour créer de la valeur sur ce nouveau segment prometteur”, analysait Elodie Perthuisot, directrice exécutive e-commerce, data et transformation digitale chez Carrefour, dans un communiqué diffusé fin juillet.

LÉLIA DE MATHAREL