Carrefour pousse les feux de la rentabilité

Rédigé le 18/02/2021


L'année du Covid aura porté le distributeur alimentaire qui affiche des résultats 2020 en hausse. Mais au-delà de ces circonstances favorables, le PDG annonce le retour du paiement du dividende en numéraire et promet de dégager 1 milliard de cash-flow libre tous les ans.

Après l'épisode Couche-Tard, les dirigeants de Carrefour montrent qu'ils peuvent marcher seul. Même si, à l'évidence, comme les administrateurs, ils n'auraient pas dit non à un mariage avec le québécois.
Alexandre Bompard et ses équipes s'engagent à produire un cash-flow libre net supérieur à 1 milliard d'euros tous les ans à partir de 2021 et annoncent « la normalisation de la politique de dividende ». Le communiqué publié ce jeudi matin à l'occasion de la publication des résultats 2020 prévoit le versement de 0,48 euro par action « intégralement en numéraire ». «Le dividende a vocation à augmenter régulièrement» a précisé le directeur financier Matthieu Malige, devant les analystes. «Nous sommes ouverts au rachat d'action» a-t-il ajouté.
Faire décoller le cours de Bourse
Les mots ont leur importance. Depuis plusieurs années, Carrefour proposait une alternative entre le paiement en numéraire et le paiement en actions. Dans les années 2010, le groupe ne dégageait pas suffisamment de « cash » pour tout le monde. «Il y a cinq ans, Carrefour était à la traîne» a résumé Alaxendre Bompard lors de la présentation des résultats annuels. L'entreprise se dote aujourd'hui des attributs d'une valeur durablement juteuse. L'objectif de son PDG est de faire enfin décoller le cours de Bourse, encalminé autour des 15 euros. Les dirigeants de Couche-Tard ont estimé qu'il valait au moins 20 euros. Jeudi matin, la valeur a pris plus de 2%.

Pour donner du corps aux promesses de son PDG, Carrefour a, en 2020, dégagé un excédent brut d'exploitation (Ebitda) en hausse de 16,4 %, à 2,17 milliards d'euros et un résultat net ajusté part du groupe qui gagne 18 % par rapport à 2019. L'année passée aura été bonne. La crise du Covid-19 a bénéficié aux magasins alimentaires qui n'ont pas été fermés pendant les confinements et ont compensé la fermeture des restaurants et des cantines. Les ventes de Carrefour ont grimpé de 8 % en comparable, à 78,6 milliards d'euros. Elles ont progressé de 3,6 % en France où même les hypermarchés ont avancé de 1 %, un retour dans le vert après de nombreux trimestres de déclin. Le Brésil caracole à +18 %, un niveau de performance qui gonflerait encore les résultats si le change était favorable.
Le plan de transformation de Carrefour annoncé le 23 janvier 2018 n'est pas achevé - il court jusqu'en 2022. Mais c'est tout comme. Les grands objectifs sont accomplis ou presque. La transition alimentaire vers le bio et le local est engagée. Le virage de l'e-commerce est pris. Le programme de réductions de coûts de 2 milliards, alors même qu'il a été porté entre-temps à 3 milliards, « est atteint », indique le communiqué.
Discipline financière
Alexandre Bompard ne fait pas de pause pour autant. Les investisseurs lui demandent d'avancer et de prouver que les grandes surfaces ne sont pas des vestiges de l'histoire économique. Il annonce 2,4 milliards d'euros d'économies supplémentaires « en année pleine à horizon 2023 ».
La discipline financière ne connaît pas de répit, pas plus que les gains aux achats de produits comme de services. La mécanique est rodée : les économies dégagent les marges de manoeuvre nécessaires aux investissements dans les tarifs comme dans le développement. En France, la victoire de la guerre des prix contre Leclerc, Intermarché et Lidl se paiera au comptant. Carrefour veut à tout le moins rester dans le jeu.
« Consolidateur naturel »
Mais le cash-flow ne servira pas qu'à faire descendre les étiquettes. Le groupe a été la proie de Couche-Tard, mais il confirme son retour du côté des chasseurs, même s'il ne vise pas encore le gros gibier ( «Les fusions globales ne sont pas une nécessité pour nous» a précisé Alexandre Bompard devant les analystes). En 2020, 760 millions d'euros ont été investis dans les rachats « tactiques » de 30 cash and carry Makro au Brésil, de 224 supers de proximité Wellcome à Taïwan de 172 petits Supersol en Espagne et de 105 Bio C'Bon en France.
« Carrefour se positionne en consolidateur naturel là où il est présent », illustre le communiqué. La chasse aux opportunités de croissance externe « de taille raisonnable » va continuer. « Carrefour a franchi un cap en 2020 », écrit Alexandre Bompard. Celui d'« un modèle de croissance durable», affirme le PDG.

Par 
Philippe Bertrand