Carrefour dans la tourmente au Brésil après le décès d'un client noir battu par des vigiles

Rédigé le 23/11/2020


La mort d'un client noir, roué de coups dans un hypermarché de Porto Alegre, a déclenché une série de manifestations hostiles contre le distributeur français. Carrefour a clairement condamné cet acte « odieux » et a pris position contre le racisme.

Carrefour est sur la défensive au Brésil. La mort, jeudi soir, d'un homme noir battu par deux agents de sécurité dans un supermarché du groupe à Porto Alegre (sud du Brésil) a déclenché une vague d'indignation, en pleine journée de la conscience noire célébrée dans le pays.
Les images de l'assassinat de João Alberto Silveira diffusées par les médias locaux sont « insoutenables », a rapidement réagi le PDG de Carrefour Alexandre Bompard , qui a condamné cet acte « odieux ». « Rien n'est plus étranger à mes valeurs et à celles de Carrefour que le racisme et la violence », a-t-il ajouté.
Le groupe français a dû réagir très vite en affirmant qu'il s'agissait du « jour le plus triste de l'histoire de Carrefour ». Le président de la filiale, Noël Prioux, a présenté, ses « excuses » et évoqué « une tragédie aux dimensions incommensurables qui va au-delà de mon entendement, en tant qu'homme blanc et privilégié que je suis ». Son intervention a été diffusée à la télévision à une heure de grande écoute.
« Black lives matter » à la brésilienne

L'expression « les vies noires comptent » a été peinte en lettres gigantesques sur une grande artère de São Paulo pendant le week-end, et le mouvement Black Lives Matter a apporté son soutien au mouvement noir brésilien. Vendredi, les manifestants les plus exaltés criaient « Carrefour assassin » dans un hypermarché de Rio. Des militants ont appelé au boycott de la marque, en peignant le logo de Carrefour sur fond noir.
Le Brésilien Abilio Diniz, membre du conseil d'administration de Carrefour, a demandé que « Carrefour s'organise pour devenir un agent transformateur de la lutte contre le racisme structurel au Brésil et dans le monde ».
En signe de réparations, la valeur de la marge réalisée vendredi dans les hypermarchés du groupe sera reversée au profit d'associations liées à la lutte pour la conscience noire, assure la filiale.
Tourmente
« Nous sommes dans l'oeil du cyclone », reconnaît Stéphane Engelhard, vice-président responsable de la gestion des crises chez Carrefour Brésil, qui va mettre sur pied un comité de sages, dont l'ancien footballeur Raí, pour épauler l'entreprise dans sa démarche.
Alexandre Bompard a en outre demandé « une revue complète des politiques de formation des collaborateurs et des sous-traitants en matière de sécurité, de respect de la diversité et des valeurs de tolérance ».
Leader sur le marché brésilien , le plus important en dehors de France, Carrefour joue gros. « Le risque réputationnel est l'un des principaux moteurs du changement en entreprises, souligne Thiago Amparo, professeur de droit spécialisé dans les droits de l'homme à la Fondation Getulio Vargas. « L'entreprise doit agir vite pour que de tels cas ne se reproduisent pas, et pour assumer la responsabilité de ce qui s'est passé afin de ne pas égratigner ce qu'elle a de plus précieux sur le marché : sa propre image », ajoute Thiago Amparo.
« Le racisme n'existe pas »
L'homicide du client de Carrefour a également relancé le débat sur le racisme au Brésil, dont plus de la moitié de la population est noire ou métisse. « Des dizaines de millions de Brésiliens font l'objet d'agressions chaque jour et rencontrent d'énormes difficultés à cause du racisme, et notre pays ne va pas réaliser de véritables progrès tant que cette question ne sera pas véritablement traitée », assure Abilio Diniz.
Toutefois, une partie de l'opinion nie encore l'existence du racisme au Brésil. Le président Bolsonaro se déclare ainsi « daltonien ». Quant au vice-président Hamilton Mourão, il dit clairement : « selon moi, le racisme n'existe pas au Brésil ».

Par 
Thierry Ogier