Coronavirus. « J’ai peur » : le terrible cri d’alerte d’un salarié de supermarché à Toulouse

Rédigé le 21/03/2020


Après la ruée de lundi, et toujours en activité pendant le confinement, cet employé de supermarché à Toulouse déplore des conditions de travail horribles.

En première ligne face au coronavirus, les salariés des supermarchés continuent de travailler, avec peu, ou sans protections. Une situation qui ne passe pas pour Jean-Baptiste, Toulousain, adjoint de magasin dans une grande surface.

Lundi 16 mars : le chaos

Comme cela a été montré dans de nombreux médias, en prévision de l’annonce du confinement par le président de la République, Emmanuel Macron, de nombreux Toulousains se sont rués dans les supermarchés pour faire le plein. Jean-Baptiste raconte la scène comme il l’a vécue :

 

Plus de 800 personnes dans notre magasin de proximité, plus de 8500 articles brassés entre nos mains tout au long de la journée, un staff réduit à son minimum avec une partie de l’équipe en arrêt de travail pour cause d’enfants à garder. Je suis arrivé à 6 h du matin, j’en suis reparti à 20 h.

 Nous voulons être équipés comme les soignants »

Malgré le confinement, ces commerces restent ouverts, pour que les Toulousains puissent se réapprovisionner. Mais un magasin ne fonctionne pas sans ses salariés, qui sont toujours exposés aux rencontres. Ils manquent de protections, comme l’explique Jean-Baptiste :

Où sont nos masques, gants, gel hydroalcooliques ? Nous n’avons rien pour nous défendre et pour protéger nos clients. Alors que nos commerces ne désemplissent pas. On préconise les masques pour les gens ayant des symptômes et les soignants uniquement. Mais les soignants, ils doivent porter ces masques pour quoi ? Pour se protéger et pour se donner les moyens de continuer à combattre le virus. Et nous, comment nous protéger et combattre sans ces armes et face à l’afflux de personnes ?

Un équipement sommaire, grâce à la débrouille

Face à cette situation, les gants commandés qui peinent à arriver, les pots de gel hydroalcoolique qui se vident à vue d’œil, et les masques manquants. Jean-Baptiste n’a pas attendu qu’on lui tende une main qui n’arrive jamais :

Je vous donne un exemple concret. C’est moi,simple employé de vente, qui ai pu donner à mon équipe des masques que j’avais chez moi. J’en ai 15 pas un de plus. Ces masques, je les ai parce que mon père, aujourd’hui décédé, s’est battu contre un cancer. Du coup pour le protéger à l’époque, nous portions ces masques, et, parti trop tôt, il m’en est resté. Ça ne durera pas pendant toute la durée du confinement.

Des remontées que Jean-Baptiste a fait auprès de ses supérieurs, mais à l’heure actuelle, il n’a pas reçu de nouvelles protections.

« J’ai peur, pour moi, les employés, les clients, j’ai peur »

Après la colère, un sentiment de détresse domine, pour ces salariés livrés à eux-mêmes, face au virus qui se développe :

J’ai peur égoïstement. D’abord pour moi, pour mon entourage et pour toutes ces âmes que je croise toute la journée sur mon lieu de travail . Après une journée comme celle ci, je sais que je me suis transformé en bombe, que ce COVID-19 il est sur moi, et en moi. Impossible au vu du peu de moyens que l’on a, d’être épargné. Je suis déjà dépassé, exténué, mais ce « je », c’est je pense, la voix générale de tous les acteurs de la grande et petite distribution alimentaire.

Un sentiment d’abandon

Face à la crise, pour Jean-Baptiste, il y a aussi un sentiment d’abandon. Il interroge au plus haut sommet de l’État :

Comment peuvent-ils nous oublier et ne pas parler de nous ? Petites gens du quotidien qui sommes derrière les caisses, qui réapprovisionnons les rayons, qui sommes en contact avec toute cette population qui se rue dans nos locaux ? Je vous en supplie, considérez-nous et considérez le peuple français qui se rue dans nos infrastructures. Ils nous contaminent et nous les contaminons à notre tour. Il faut que l’on soit, absolument et immédiatement, équipés. Il est peut-être encore temps.

Des questions pour la suite

Si comme l’État l’a assuré, les stocks de vivres ne manqueront pas, Jean-Baptiste se questionne sur le sort des employés qui permettent que ces stocks soient à disposition des consommateurs :

Comment allons-nous pouvoir fournir à nos concitoyens de la nourriture, si nous sommes tous atteints ?

« Un cri d’alerte »

A travers son appel, Jean-Baptiste espère faire réagir, et que la situation des employés de ces commerces s’améliore :

C’est un cri d’alerte, mais c’est la réalité actuellement. On n’est pas des héros, mais on est au contact de tous ces gens. Et on se démerde, et on se met en danger, mais on les met aussi en danger.

Alors que le Ministre de la santé préconise de ne croiser que cinq personnes par jour, dans un établissement moyen comme celui de Jean-Baptiste, il y en a beaucoup plus. Sans protections valables, tous ces employés risquent de payer un lourd tribut.

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