« Ça va taper très fort », ou le spectre d’une nouvelle guerre des prix dans les supermarchés

Rédigé le 15/06/2020


Conséquence de la crise sanitaire, les enseignes s’attendent à faire le grand écart entre les consommateurs ayant perdu du pouvoir d’achat et ceux qui voudront plus de bio.

 

« Le monde d’après ? Cela risque d’être le monde d’avant mais en pire. » Chez Système U, au siège, on s’inquiète déjà de la deuxième vague. Pas de l’épidémie de Covid-19, mais celle de la guerre des prix entre les enseignes de distribution alimentaire. Elle couve déjà pour la rentrée, alimentée par une volonté d’attirer des consommateurs confrontés à une baisse de revenus due à la hausse du chômage. « Si l’entreprise dans laquelle je travaille n’avait pas eu son prêt garanti par l’Etat, elle avait prévu de déposer le bilan courant juillet-août pour que ce soit discret », raconte un cadre officiant dans une société de prestation de service.

Selon un baromètre Cofidis publié le 4 juin, quatre Français sur dix déclarent que leur situation financière personnelle est déjà touchée par les conséquences économiques de la crise sanitaire. Et pas uniquement ceux qui étaient déjà fragiles financièrement, mais aussi ceux dont l’activité s’est drastiquement réduite ou arrêtée comme les commerçants, les artisans et chefs d’entreprise, ou les ouvriers. Six Français sur dix estiment qu’elle le sera encore plus dans les prochains mois, tandis que près d’un sur deux se dit inquiet pour son avenir professionnel.

« Ils vont se ruer sur les prix bas »

Les enseignes de distribution alimentaire s’attendent donc à une recrudescence de clients en manque de pouvoir d’achat, dès la rentrée prochaine, une fois qu’ils auront dépensé leurs dernières économies durant les vacances. « Ils vont se ruer sur des prix bas, ce qui va relancer la guerre des prix en amont, craint-on chez Système U. Les enseignes qui ont perdu des parts de marché pendant la crise vont vouloir les retrouver. Ça va taper très fort, ce qui va mettre à mal une évolution positive qui pointait son nez depuis les Etats généraux de l’alimentation. » Carrefour et E. Leclerc ont d’ores et déjà dégainé une campagne publicitaire dans les médias sur la défense du budget des Français.

Les industriels s’inquiètent. « L’alimentaire a été plutôt épargné pendant la période de confinement par rapport à d’autres secteurs. On va rentrer maintenant dans la crise économique avec les problèmes de pouvoir d’achat et la problématique des prix en grande distribution », affirme Emmanuel Besnier, président du conseil de surveillance du groupe Lactalis, dont les produits laitiers à la marque Président ou Lactel (lait, beurre, emmental) se sont arrachés en rayon pendant le confinement. Il s’interroge sur la position des distributeurs, avec le risque de « renouveau du discours sur la lutte pour le pouvoir d’achat ». Le premier test devrait être la reprise des négociations sur les « augmentations de prix des produits à marques de distributeurs [MDD] que certains distributeurs ont interrompu au moment du Covid », ajoute M. Besnier.

Par  et