Confinement : quels sont les produits «sous tension» dans les supermarchés ?

Rédigé le 31/03/2020


Le ministre de l'Économie a répété qu'il n'y avait pas de risque de pénurie dans les commerces alimentaires, tout en reconnaissant des «tensions» dans certains produits.

Après plusieurs jours marqués par une forte affluence dans les supermarchés, les choses semblent rentrer progressivement dans l’ordre. Ce lundi, le ministre de l’Économie a répété qu’il n’y avait «pas de pénurie aujourd’hui dans les grands magasins, dans les commerces alimentaires». Bruno Le Maire a également précisé faire le point «deux fois par jour» avec les acteurs de la distribution, afin de vérifier «que les Français ont de quoi s’approvisionner». Pour autant, le patron de Bercy a reconnu des «tensions sur certains produits» et «moins de variété sur un certain type de produits», comme les pâtes.

 

Le constat global de Bruno Le Maire est partagé par l'ensemble de la grande distribution. Mais quels sont ces produits encore «sous tension» ? Interrogé, le groupe Système U explique qu’il s’agit «toujours un peu des mêmes» depuis le début du confinement, comme les pâtes, les œufs ou encore le papier toilette, et ce malgré l’absence de risque de pénurie. De plus, ces produits sont victimes de leur succès sur l’ensemble du territoire, précise le responsable de la communication de la société, Thierry Desouches : pas de spécificité locale, donc.

Le groupe Auchan constate également une tension dans certaines catégories «par un surcroît d’effet de stockage des consommateurs», une situation aggravée par des difficultés de transport et l'influence bien compréhensible des lois de la nature, par exemple sur les œufs : «les poules ne pondent qu’une fois par jour», rappelle l’enseigne. Auchan ajoute toutefois plusieurs autres produits aux catégories sous tension mentionnées par Système U, citant notamment les «produits liés à des campagnes de récolte», dont le riz, dépendant des exportations des pays asiatiques, des «dérivés du lait», comme le beurre et la crème, ou des «produits nettoyants», tant pour le domicile que pour l’hygiène corporelle. Comme Système U, Auchan surveille attentivement son réseau, afin d’établir «des prévisions de vente et de commandes». La chaîne d’approvisionnement communique au quotidien pour «sourcer tous les produits sensibles et garantir la chaîne marchandise, de l’usine au magasin, la meilleure possible».

Des changements dans les modes de consommation

Les groupes se veulent donc rassurants sur la situation. Système U constate que la situation s’est peu à peu tassée, après l’émoi des premiers jours. «Il y a des ressorts psychologiques qui jouent et se manifestent concrètement, en poussant les gens à faire des stocks de ces produits», analyse son responsable communication. Une situation déjà vue par le passé, par exemple au moment de la première guerre du Golfe, en 1991 : «certaines personnes craignaient que ces événements dégénèrent en Troisième Guerre mondiale et constituaient des stocks», se souvient Thierry Desouches.

Aujourd’hui, «les clients achètent de manière plus raisonnable, les consommateurs ont déjà rempli leurs placards et ils ont compris que la situation allait durer et qu’il n’y avait pas de risque de pénurie». Cette observation semble être confirmée par les relevés réalisés par l’institut Nielsen sur l’évolution des chiffres de ventes dans la grande distribution : après un pic aux moments les plus forts des dernières semaines, comme l’annonce du passage au stade 3 ou les allocutions d’Emmanuel Macron, la fréquentation des magasins se stabilise désormais. Les stocks des particuliers sont faits, il faut désormais les vider !

Cette baisse progressive de la fréquentation aide les distributeurs à lutter contre les ruptures de stock. «Il peut y avoir des tensions, mais elles restent ponctuelles et elles n'ont plus rien à voir avec celles observées au début du confinement. On aura toujours le moyen de consommer des pâtes, malgré la diminution du nombre de références proposées en rayon », rassure Thierry Desouches.

Système U relève aussi plusieurs modifications dans les comportements des acheteurs se rendant dans ses magasins. D’abord, le panier moyen d’un client de supermarché a presque doublé, passant de 50 euros environ à 90 euros. En parallèle, la fréquentation, en nombre de personnes, a baissé. «Les clients font des grosses courses, ils se rendent moins souvent en magasin. En parallèle, ils mangent plus à leur domicile, et doivent donc acheter davantage de produits alimentaires, ce qui augmente la facture globale», résume le responsable.

Ensuite, les consommateurs achètent «plus de produits en conserve, transformés, que de produits frais», une modification par rapport au début du confinement, qui peut se comprendre par un double mouvement : la fermeture ponctuelle de ces rayons, dans les magasins, d’une part, et la «désaffection de ces produits, au profit de ceux élaborés». «Les produits bruts peuvent être, aux yeux des acheteurs, plus suspects d’une éventuelle contamination», avance Thierry Desouches en guise d’explication. Enfin, les clients privilégient désormais le «petit magasin de proximité, où l’on fait ses courses plus vite, avec moins de monde», ajoute le responsable. Là encore, les données de Nielsen semblent confirmer cette dernière observation.

À l'échelle nationale, la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), qui regroupe plusieurs grandes enseignes, dont Carrefour, le groupe Casino, Picard ou encore Franprix, martèle qu’il n’y a «pas de risque avéré de pénurie alimentaire en France». L’impression d’un manque pour certains produits vient principalement de la situation dans les grandes villes, où «une sensation de non-disponibilité de certains produits» a été entraînée «à tort» par les ruées des premiers jours pour faire des stocks, indique la FCD. Dans le reste du pays, à l'inverse, la situation a été moins tendue. Par ailleurs, l’organisation se dit «mobilisée pour trouver des solutions et optimiser les débouchés», afin d’éviter autant que faire se peut les «tensions» mentionnées par Bruno Le Maire.

Les interprofessions, comme celles du lait, des œufs ou de la volaille, travaillent également à limiter les ruptures de stock constatées çà et là dans les rayons. L’une des solutions mentionnées par la Fédération est notamment la «re-allocation possible [...] des produits destinés en temps normal à l’hôtellerie et à la restauration», afin d’éviter le gaspillage et d’offrir des débouchés aux producteurs.

Le Monde