Vaste chantier pour les marques de Carrefour

Rédigé le 14/02/2020


Vaste chantier pour les marques de Carrefour avec une nouvelle segmentation basée sur les besoins des consommateurs. Les objectifs: fluidifier le parcours d’achat et atteindre 33% de part de marché en 2022.

Martine Loyer, directrice des marques alimentaires du groupe Carrefour, est catégorique : « Il était urgent de penser ”clients” et donc de coller aux besoins des consommateurs. De ne plus organiser nos marques selon les rayons ou les industriels. » Ce chantier titanesque a été mené tambour battant. «Dix-huit mois seulement, ce qui est extrêmement rapide. Mais l’objectif est qu’un client qui entre chez Carrefour comprenne immédiatement le renouveau de l’enseigne. »

Il est vrai que le distributeur, qui a inventé les produits libres en 1976, s’est, comme beaucoup d’autres, laissé déborder par l’explosion de l’offre en rayons. Pour y remédier, Alexandre Bompard, le président de Carrefour, réclame une baisse de 15 % de l’assortiment global avant fin 2020. Du côté des MDD, Martine Loyer a donc été débauchée de General Mills en 2018, et l’équipe de MDD a été étoffée, passant de 80 à 120 personnes. Plus de 2 500 consommateurs ont notamment participé à l’élaboration de la nouvelle structure du cœur de gamme (70 % du chiffre d’affaires des marques Carrefour). « Nous nous attaquons maintenant au gros du business. C’est-à-dire au cœur du marché », analyse Martine Loyer.

Cinq besoins dans l’alimentaire

Ce projet ne concerne donc pas la gamme de premiers prix. « Nos produits blancs – quelque 500 références – représentent 5 % du chiffre d’affaires de nos marques », assure Martine Loyer. Quant aux autres marques, plus premium, elles seront bien évidemment renforcées. Reflets de France compte déjà 700 références environ. Mais on peut aussi citer Carrefour bio, 850 références, et Carrefour veggie, avec 60 références. « Aujourd’hui, le taux de pénétration des produits à nos marques est de 96 % chez les clients Carrefour. Mais à force de se développer, notre marque était devenue une mégabrand. Et nous savons tous que ces mégabrands ne sont plus plébiscitées. C’est pourquoi nous avons voulu nous démarquer en nous attachant aux besoins des consommateurs», explique Martine Loyer, avant d’ajouter, «le client est pressé. Il consacre deux ou trois secondes pour trouver le produit dont il a besoin. De plus, il n’est pas monomaniaque. Il change de besoin et d’attente selon les rayons. C’est le même qui achète des premiers prix et des smartphones à plus de 500 € ».

Cinq besoins ont été définis, générant autant de « marques filles ». Carrefour Classic’ répond aux attentes du bien manger tous les jours. Carrefour Extra s’adresse à ceux qui veulent se faire plaisir. Carrefour le Marché évoque la fraîcheur, Carrefour Original l’authenticité, et Carrefour Sensation, les nouvelles expériences. Un travail similaire a été effectué pour la cosmétique, avec Carrefour Soft (la cosmétique douceur) et l’entretien, avec Carrefour Essentiel (la propreté et la sensorialité) et Carrefour Expert (l’efficacité et l’expertise). « Nous avons aussi retravaillé les filières qualité, créées en 1992. Nous en comptons plus de 500 aujourd’hui. Les consommateurs ne comprenaient pas toujours la proposition de valeur ajoutée de ces filières, notre discours était très technique », explique Martine Loyer. Progressivement, près de 7 000 références et plus de 10 000 en Europe (Espagne, Italie et Belgique) seront segmentées en cinq grands besoins dans l’alimentaire. Mais contrairement aux marques nationales, pas question de réduire la taille de l’assortiment. Aujourd’hui, un grand hyper compte jusqu’à 10 000 références de MDD et jusqu’à 2 000 pour un magasin de proximité.

« L’assortiment n’a pas bougé en nombre. Nous avons principalement axé notre travail sur les blockbusters, tout en mettant en avant les marqueurs de notre stratégie de transition alimentaire », poursuit Martine Loyer. Résultat, l’année dernière, 500 références sont entrées et autant sont sorties. Sans oublier quelque 2 000 références qui ont profité d’une reformulation des recettes. « Nous avons ainsi retiré 432 tonnes de sucre et 23 tonnes de sel », se réjouit Martine Loyer. Quant au merchandising, il a bien évidemment été revu. « La marque Carrefour doit être le tempo du rayon. Elle doit le baliser. C’est pourquoi nous la positionnons au centre à hauteur des yeux et des mains. L’idée est de simplifier la lecture du rayon pour que le consommateur gagne du temps », explique Martine Loyer. Avant d’ajouter, « on simplifie. On réduit l’assortiment. Mais nous restons l’enseigne du choix ». Il reste à savoir si les consommateurs comprendront cette nouvelle segmentation et y adhéreront.

Informations accessibles à tout moment

Et quels sont les objectifs ? « En France, nous avons progressé de deux points en termes de pénétration au niveau des ventes en 2019, et nous voulons atteindre 33 % en 2022. » Existe-t-il un seuil rédhibitoire pour les consommateurs. « Bien sûr. Il se situe peut-être, comme en Grande-Bretagne, à 50 % de part de marché. À chacun son rôle, les marques jouent aussi un rôle en termes d’attractivité ou d’innovation », reconnaît Martine Loyer. Et quelles conséquences sur le mix de marge ? « La marque propre est évidemment moins chère. Mais elle contribue à la fidélisation des clients, elle se doit de driver leurs choix. »

Mais évoluer avec ses clients, c’est aussi répondre à leur besoin de transparence. Pour y parvenir, Carrefour met en œuvre deux grandes initiatives. La première concerne le Nutri-score. « Environ 50 produits le portent déjà, et 6 000 références l’arboreront avant la fin de l’année, à l’exception des produits non transformés », assure Martine Loyer. Ensuite, Carrefour partage depuis de nombreux mois les informations de composition de ses produits auprès d’Open Food Facts. Les informations sur les produits Carrefour seront donc disponibles à tout moment, en magasin, chez soi, ou sur son téléphone. Enfin, de nombreux projets sont lancés pour diminuer les impacts environnementaux des produits Carrefour  et augmenter son impact positif sur le tissu économique français, en touchant toutes les régions.

En effet, près de 80 % des produits Carrefour sont fabriqués par plus de 2 000 entreprises françaises (de la très petite à la plus grande structure), sur 3 000 sites de production. « Cette liste s’élargit notamment en raison de notre travail sur le bio ou le végan, avec de plus en plus de petits fournisseurs », constate Martine Loyer. Enfin, Carrefour travaille aussi à la réduction de ses emballages. Depuis cinq ans, 1 700 tonnes de packagings ont été éliminées et une démarche d’amélioration continue est en place. Avec, par exemple, la suppression des barquettes dans les biscuits adultes.