Les légumes d'été bio français interdits à la vente cet hiver

Rédigé le 26/12/2019


Les produits d'importation restent, eux, disponibles.

Adieu tomates, fraises, melons : cet hiver, les étals bio seront exempts de fruits et légumes d'été. La mesure, en vigueur depuis le 21 décembre, a été votée par le Comité national d'agriculture biologique (Cnab), qui rassemble des représentants de la filière. Elle poursuit un double objectif: pousser les consommateurs à changer leurs habitudes en privilégiant les fruits et légumes de saison, et mieux encadrer le recours aux serres chauffées.

Depuis le 21 décembre et jusqu'au 30 avril, il n'est donc plus possible de trouver dans le commerce des tomates, poivrons, aubergines, ou encore de concombres bio produits en France. Cultiver ces fruits et légumes à cette période demande en effet souvent d'avoir recours à des serres chauffées, un mode de culture très coûteux en carbone. Selon une étude de l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie (Ademe), une tomate cultivée dans ces conditions émettrait même sept fois plus de gaz à effet de serre que son équivalente produite en saison. Et ce avec, souvent, des qualités gustatives bien moindres.

 

Le secteur bio a dû faire face à ce cas de conscience dont le Cnab a été le catalyseur. De part et d'autre de ce désaccord, les poids lourds du secteur (favorables à la culture sous serre) et les partisans d'une conception «historique» du bio pour qui une telle pratique est totalement incompatible. Un accord a été trouvé : la culture de fruits et légumes bio a été autorisée, mais sous conditions.

Ce compromis prévoit donc l'interdiction de la commercialisation - tant en France qu'à l'étranger - de fruits et légumes d'hiver, mais s'accompagne de mesures pour alimenter les serres en énergies renouvelables. Ce sera une obligation pour les infrastructures construites à partir du 1er janvier 2020. Les serres déjà existantes ont jusqu'à 2025 pour basculer vers les énergies renouvelables.

L'interdiction de commercialisation de ces fruits et légumes n'est cependant pas exempte de paradoxes, puisqu'elle n'affecte pas les fruits et légumes produits à l'étranger comme en Espagne, aux Pays-Bas ou en Italie. Des produits qui peuvent donc être cultivés sous serre dans leur pays d'origine puis être importés. Au coût élevé en carbone de la culture sous serre s'ajoute ainsi celui du transport jusqu'aux étals français...

 

Un risque pour les producteurs français?

Pour les producteurs français, «c'était là toute la teneur du débat, explique Marie Guittard, directrice de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO). Pour certains, cette mesure reviendrait à les empêcher de cultiver sans rien changer sur le fond, si ce n'est réduire leur chiffre d'affaires». Une position qu'elle ne partage pas : «les consommateurs sont de plus en plus attentifs à la manière dont sont cultivés les produits, mais aussi à leur provenance. Cette mesure va service d'aiguillon».

Et pourtant. Le gouvernement semble, lui, en opposition avec la ligne du Cnab, puisqu'il a défendu dans le projet de loi de finances 2020 un avantage fiscal pour les exploitants agricoles sur les prix du gaz naturel (TICGN), souvent utilisé pour chauffer les serres. La mesure, qui a fait bondir à gauche, est défendue par une majorité, pour qui l'interdiction de la culture sous serre encourage à importer plus qu'elle ne décourage les consommateurs d'acheter des légumes de «contre-saison». « C’est une occasion de relocaliser sur le territoire national des productions que nous avons l’habitude d’importer, ce qui entraînera des emplois localement en France», a pour sa part appuyé le sénateur LR Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes à l'Assemblée.

 

Faut-il donc consommer de saison, ou au contraire s'autoriser à acheter en hiver des produits estivaux ? Si le choix final revient au consommateur, les grandes surfaces jouent un rôle central. Certaines ont déjà franchi le pas de la saisonnalité, comme les grandes surfaces bio Biocoop et La Vie Claire, qui refusaient déjà de commercialiser des fruits et légumes d'été en plein hiver. D'autres, comme Monoprix ou Naturalia, proposent toujours ces produits - cultivés en Italie ou en Espagne - mais assurent qu'ils ne sont pas produits sous des serres chauffées.

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