Grande distribution : « On s’inquiète pour notre métier d’hôtesse de caisse »

Rédigé le 23/09/2020


L’automatisation progresse dans la grande distribution. À l’étranger, Amazon Go propose des magasins sans caisse. Ce secteur emploie en France des dizaines de milliers de salariés, notamment des femmes. Les intéressées s’inquiètent. Témoignages dans un hypermarché Carrefour de Seine-Maritime.

L'automatisation est en marche depuis une quinzaine d’années en France dans la grande distribution. Le mouvement s’accélère avec l’arrivée des appareils qui permettent aux clients de scanner eux-mêmes leurs produits. Sans compter les expériences à l’étranger de magasins sans caisse. Qu’en pensent les salariés ? Deux employées d’un hypermarché Carrefour de Seine-Maritime témoignent.

 On craint de voir notre métier disparaître.  Ingrid Masson, 40 ans, est hôtesse de caisse dans l’hypermarché Carrefour de Mont-Saint-Aignan. Quand elle a commencé à y travailler en 2005, le magasin ne comptait aucune caisse automatique. Cinq machines sont arrivées il y a une dizaine d’années. L’an dernier, on est passé à dix. 
Ces caisses sont gérées par une personne, voire deux en cas d’affluence.  Ce sont des postes fatigants. Il faut être très vigilant, courir partout, intervenir quand un produit ne passe pas ou pour gérer les bons de réduction. 
Ingrid préfère le contact avec les clients en caisse traditionnelle.  On voit des habitués, attachés au lien social. C’était flagrant pendant le confinement. Les gens étaient heureux de nous voir. Ils nous remerciaient. 

Moins de caisses traditionnelles

Cette dimension de contact et d’échange a conduit Ingrid à faire de cette activité son métier.  Je suis très sociable. Titulaire d’un bac littéraire, elle entame d’abord des études de psycho. J’ai vu que ce n’était pas ma voie.  Pour payer ses études, elle effectue un contrat étudiant dans le Carrefour de Mont-Saint-Aignan. Et décide finalement d’y faire carrière. Elle décroche un CDI de trente heures par semaine en 2007.
Aujourd’hui, mère d’un fils de dix ans, elle travaille trente-cinq heures pour un salaire de 1 230 € net hors primes.  J’adore mon magasin, mes collègues.  Son investissement la conduit en 2019 à un mandat syndical FO.  On se bat pour le maintien de l’emploi. 
Pas facile. En quinze ans, le nombre de caisses traditionnelles est passé de quarante-huit à trente-deux, calcule Jennifer Goujon, la déléguée FO du magasin :  Dans ce secteur, les départs à la retraite ne sont plus remplacés. C’est aussi le cas dans le non-alimentaire : télé, hi-fi, etc. 
Pourtant, l’effectif du magasin (460 salariés) est stable.  Mais, sur ce total, la proportion de contrats étudiants augmente, notamment depuis un an avec l’ouverture le dimanche matin,poursuit Jennifer Goujon. Par ailleurs, d’autres secteurs connaissent une hausse des effectifs. C’est le cas du drive, ouvert voilà trois ans. Ou encore du rayon bio, qui s’est agrandi l’an dernier.
« On ne peut pas freiner l’évolution de la consommation »

L’automatisation fait néanmoins peser une menace.  On ne sait pas ce que seront nos emplois dans dix ans, soupire Ingrid Masson. On ne peut pas non plus freiner l’évolution de la consommation. Certains clients veulent être autonomes. 
L’entreprise en a bien conscience. D’où les « scannettes » mises en place depuis un an. Disponibles à l’entrée du magasin, elles permettent aux clients de scanner eux-mêmes les produits qu’ils mettent dans leur chariot. Avant de remettre l’appareil à l’hôtesse de caisse pour le paiement.
Et, depuis quelques semaines, le magasin teste le scan à l’aide du smartphone des clients. Il leur suffit pour cela de télécharger une application. De quoi se poser des questions.  Il faudra toujours des effectifs dans le magasin,notent Ingrid et Jennifer. Mais que deviendra la relation humaine ? 
 

Ouest France

 

 


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